Depuis les pays pacifiques à la guerre : les étrangers venus se porter bénévoles en Ukraine
Ils pourraient vivre une vie insouciante dans leurs propres pays. Mais ce qui s’est passé le 24 février les a fait changer les plans. Ils ont vu avec quel courage et quelle constance le peuple ukrainien défend sa liberté, mais aussi de nombreuses difficultés auxquelles les militaires et les civils ont à faire face. Donc, ils ont décidé de parcourir des milliers de kilomètres pour aider les Ukrainiens.
Lisez les histoires de Rafael, Paul et Oliver qui travaillent actuellement comme bénévoles en Ukraine.
Rafael,
réceptionniste de nuit dans un hôtel de Brésil
En décembre 2021, Rafael a décidé de quitter son emploi en Irlande de réceptionniste de nuit dans un hôtel et de voyager. Il connaissait une fille à Varsovie, alors il s’y est rendu et s’est mis à chercher des opportunités de bénévolat en Pologne. Mais il n’est possible de trouver quelque chose qu’à condition de connaître le polonais.
« Quoi qu’il en soit, je suis resté dans une auberge de jeunesse dans la vieille ville de Varsovie et j’ai rencontré [plus tard] deux Ukrainiennes, Tania et Hrystyna. Elles m’ont proposé par blague de partir en Ukraine comme bénévole, et j’ai dit oui. Tout est arrivé par hasard », raconte Rafael.
Le 14 mai 2022, il est arrivé en Ukraine.
« Cette guerre nous affecte tous ; nous devons tous aider d’une manière ou d’une autre. De plus, nous devons toujours nous soucier des gens. Les Ukrainiens que j’ai rencontrés ici sont tous des gens fantastiques qui se battent pour la liberté. »
« On se rend compte de l’importance de la liberté et on cesse de la considérer comme allant de soi quand quelqu’un essaie de nous l’enlever. On doit toujours défendre la liberté ! » dit Raphaël.
Pendant les deux premiers mois, Rafael a été bénévole à Kovel (une ville de la région de Volyn, dans l’ouest de l’Ukraine), à Marlog. Il s’agit du centre logistique qui reçoit de l’aide humanitaire d’Israël, de France, de Royaume-Uni, d’États-Unis et de nombreux autres pays. Son travail consistait à aider à déplacer les boîtes, à compter les denrées, à charger et décharger les camions et les trains.
Au cours de son troisième mois en Ukraine, Rafael a proposé de donner des cours d’anglais gratuits au personnel de sa chaîne de restaurants préférée à Kovel.
« Je sentais qu’ils n’étaient pas encore très à l’aise pour servir et communiquer avec des étrangers et je voulais qu’ils se sentent plus en confiance avec nous. J’ai également fait cela parce que je les aime bien », explique le bénévole.
Aujourd’hui, Rafael est bénévole en tant qu’assistant du professeur d’anglais à Eurofuture, une école de langue à Kovel. En décembre, il va ouvrir un club anglophone avec des personnes qui ont dû quitter leurs maisons et vivent désormais à Kovel.
« Je suis heureux de faire ce métier car je motive les élèves à continuer à apprendre l’anglais. Mon principal travail ici est de remonter le moral et de montrer aux gens qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils ont un avenir. Beaucoup se sentent désespérés et déprimés à cause de la guerre », explique Rafael.
Le gars admet qu’après les sept mois qu’il a passés en Ukraine, il peut déjà considérer cet endroit comme sa maison. « Je pense que je ne comprendrai de quelle façon toute cette expérience ici m’a affecté que lorsque j’aurai quitté l’Ukraine, mais il est certain que je ne suis pas le même Rafael que je l’étais il y a sept mois », dit le bénévole.
Raphael a visité d’autres régions du pays. « Lorsque j’ai visité Irpin pour la première fois, j’ai été choqué de voir comment les gens vivaient dans des appartements que les Russes avaient presque entièrement détruits ».
« C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que les Ukrainiens sont des gens forts, et j’admire leur résilience. Ils ne paniquent pas et n’abandonnent pas la lutte comme la plupart le feraient », raconte le gars.
Lorsque des amis étrangers demandent à Rafael pourquoi il aide l’Ukraine, il répond sans hésiter : parce que nous voulons tous être libres, et que l’Ukraine veut elle aussi la liberté et la paix.
« Aidez de toutes les manières possibles. Les Ukrainiens ont plus que jamais besoin d’aide humanitaire ; cet hiver ne sera pas facile », dit Rafael.
Paul,
militant et vétéran militaire de Canada
Paul est le vétéran du service militaire et le fondateur de la plus grande ferme du Canada, où il cultive des aliments qu’il distribue parmi les pauvres et sans-abri. Il a également fondé Farm Animal Rescue Mission, où des bénévoles sauvent le bétail en détresse et en prennent soin. Paul a créé ces organisations avec son fils Mac et a réuni plus de 4.000 bénévoles.
« Mon expérience dans la construction de cette ferme, comptant maintenant 20 ans, m’a préparé à l’Ukraine », dit Paul.
Le 28 février, Paul s’était rendu à l’émission de radio dans sa ville natale de Calgary. Il y avait dit qu’il aimerait aller en Ukraine et aider les gens, mais qu’il avait eu besoin d’argent pour les billets. Cinq minutes après l’interview, le présentateur radio avait appelé Paul et dit lui avoir déjà acheté des billets pour l’Ukraine. Le 3 mars, Paul a franchi la frontière ukrainienne.
Tout d’abord, il est venu à Lviv et a organisé H.U.G.S. (Helping Ukraine – Grassroots Support) pour aider les gens fuyant l’invasion russe. Aujourd’hui, cette organisation aide les civils dans tous les coins de l’Ukraine avec des missions humanitaires.
« Je ne veux pas apporter une aide ponctuelle mais créer un système stable qui aidera les gens constamment. C’est très difficile et très pénible », dit le bénévole.
Depuis mars, l’organisation de Paul a visité presque toutes les villes d’Ukraine. Ils construisent des micro-maisons pour les Ukrainiens déplacés internes, livrent des fournitures médicales et transportent les patients et les réfugiés vers des lieux sûrs. Il séjourne maintenant à Kharkiv. Notre conversation avec lui a lieu à la lueur d’une bougie en raison de la coupure de courant dans la ville.
« Nous avons déjà effectué 1605 missions humanitaires. En ce moment, nous travaillons en étroite collaboration avec la Croix-Rouge de Kharkiv en ce qui concerne les fournitures, nous réparons le matériel militaire dans le garage des bénévoles et organisons la clinique médicale gratuite de Kharkiv. Nous avons également acheté des drones et des vêtements pour l’armée. Les Canadiens aiment l’Ukraine », dit Paul.
Dans l’organisation H.U.G.S., les Canadiens travaillent ensemble avec les Ukrainiens. En août, le fils de Paul a rallié l’équipe. Au début, il s’occupait de l’aide humanitaire ; maintenant, il documente les crimes de guerre à Kherson.
Paul continue à travailler quotidiennement, en aidant les gens avec la nourriture et l’indispensable. Il dit avoir remarqué à quel point les volontaires en Ukraine sont sincères. « Ils sont semblables à ceux au Canada, sauf qu’au Canada, les missiles ne volent pas au-dessus de nos têtes et on ne tue pas les civils. »
« En Ukraine, les volontaires ne peuvent pas se donner répit ; ils travaillent dur tous les jours. Pendant ces neuf mois, j’ai vu comment ils s’épuisaient », dit Paul.
Paul s’est lié d’amitié avec les Ukrainiens et a appris quelques mots ukrainiens. Son mot préféré est кохаю (kokhaïou), qui signifie « je t’aime ».
« Avant la guerre, les Canadiens, les Américains et les Européens ne connaissaient pas grand-chose de l’Ukraine. Maintenant, le monde comprend à quel point l’histoire de l’Ukraine est riche. Et nous devons en parler davantage », dit Paul. Après la guerre, il envisage de prendre part à la mission de reconstruction.
Oliver,
livreur de pizza de Royaume-Uni
Oliver est un jeune voyageur de Yorkshire, Angleterre. Il rêve de faire un tour en voiture d’autant de pays que possible, et l’Ukraine ne fait pas exception. Il y faisait du bénévolat de juin à novembre, se rendait sur la ligne de front, emmenait des réfugiés en Pologne et secondait avec l’aide humanitaire.
Avant de venir en Ukraine, Oliver travaillait comme livreur de pizza. Le 24 février, il fêtait l’anniversaire de sa grand-mère.
« Je me souviens avoir vu à la télévision des soldats russes percuter la voiture d’une vieille dame dans la région de Kyiv lorsqu’ils ont essayé de contourner sa voiture en char. J’ai alors réalisé qu’il s’agissait d’une véritable guerre au cœur de l’Europe », raconte Oliver.
Oliver a décidé d’aider les Ukrainiens à lutter pour la vérité. Son ami, qui s’est déjà rendu en Ukraine en tant que bénévole, lui a envoyé un lien vers le groupe Facebook Davaj Ukraine, qui s’occupe de l’aide humanitaire et de la migration des Ukrainiens. Oliver en a contacté les organisateurs et s’est renseigné sur les possibilités de volontariat à Kovel. Oliver est arrivé dans la région de Volyn en voiture de livraison de pizzas à travers toute l’Europe.
Tout d’abord, il a travaillé dans le centre logistique à Kovel et a participé à la livraison de colis médicaux, de biens essentiels et de paquets de nourriture dans les territoires libérés. Ensuite, il évacuait les réfugiés. « Nous sommes allés à Zaporijjia en convoi et avons conduit onze personnes fuyant Kherson à Kyiv. C’était la veille du soi-disant référendum russe dans la région de Kherson », raconte Oliver.
À Kovel, le jeune homme vivait avec d’autres volontaires. Ses voisins étaient des Australiens, Américains et Britanniques ; il a également rencontré Rafael. « Je n’aurais jamais pensé que des gens de différentes parties du monde pourraient se réunir en Ukraine », dit le bénévole.
Oliver a opté pour l’aide humanitaire et la conduite automobile parce que c’était la meilleure chose qu’il savait faire pour aider. « Un jour, je conduisais un journaliste de New York à travers les territoires détruits de la région de Kyiv et j’ai été choqué par les conséquences de l’occupation russe. C’est terrible », raconte Oliver.
En novembre, Oliver est rentré en Grande-Bretagne. Mais il prévoit de retourner en Ukraine après Noël, car l’hiver y sera rude et les gens ont besoin de son aide.
« J’ai réalisé à quel point nous vivons bien en Angleterre et quelle chance j’ai eu de vivre dans un pays sans guerre. Mais en même temps, après être allé en Ukraine et avoir vu ce que la Russie avait fait, je juge immoral de ne pas aider l’Ukraine. »
« Cette guerre est une guerre entre le bien et le mal. Les étrangers doivent continuer à aider l’Ukraine jusqu’à ce qu’elle reprenne son droit de vivre librement sur sa terre », a conclu Oliver.